Ayurveda et Esprit, les clés de la psychologie Yogique et Ayurvédique

Apr 8 / Florent Fusier

L'Ayurveda est intrinsèquement un système médical autant psychologique que physique. Son champ d'application comprend à la fois les maladies physiques (sharirika) et mentales (manasika). Par conséquent, nous ne pouvons pas vraiment comprendre l'Ayurveda sans examiner sa vision de l'esprit et de la conscience. Comme l'Ayurveda soutient que les maladies résultent davantage de nos propres jugements erronés, attitudes et mauvais usage des sens, ces facteurs psychologiques sont à la racine de la plupart des maladies.


L'Ayurveda traditionnel reconnaît trois principales causes de maladie :

1/Les déséquilibres doshiques, soit par constitution, soit par des facteurs externes.

2/ Un excès de rajas et tamas dans l'esprit, et un manque de sattva.

3/ Des facteurs karmiques ou les résultats d'actions passées, y compris dans des vies antérieures.


Ces trois facteurs sont liés, bien que l'un puisse être dominant. Les déséquilibres doshiques reposent généralement sur un excès des gunas de rajas ou tamas, qui reflètent à leur tour des disharmonies karmiques plus profondes.


Le traitement ayurvédique est triple afin de contrer ces déséquilibres :

1/ Thérapie rationnelle pour contrer les doshas, comme l'application d'aliments appropriés, de plantes médicinales et de thérapies cliniques utilisant des énergies opposées aux disharmonies doshiques.

2/ Thérapie par le yoga et la thérapie sattvique pour contrer rajas et tamas, comme l'utilisation d'asanas, de pranayama, de mantras et de méditation.

3/ Méthodes spirituelles pour réduire le karma, comme l'utilisation de rituels, de mantras et de divinités.

Ces trois méthodes de traitement se chevauchent généralement, et des aspects de chacune peuvent être utilisés en fonction du même client ou de la même condition. L'esprit et les problèmes psychologiques/émotionnels sont présents à tous ces niveaux.

 

L'esprit et la maladie

Les doshas, lorsqu'ils s'accumulent sous forme de toxines, ont des composantes émotionnelles négatives : Vata est associé à la peur, Pitta à la colère et Kapha à l'attachement, comme tous les étudiants en Ayurveda le savent bien.

Le dosha Vata en particulier a de fortes implications psychologiques, car l'esprit fait partie du domaine de Vata et est principalement composé des mêmes éléments d'air et d'éther. Les problèmes liés à Vata incluent souvent des troubles psychologiques, tels que la peur, l'insécurité et l'anxiété. La gestion de Vata doit toujours inclure une approche psychologique importante.

La douleur, quelle qu'elle soit, déséquilibre d'abord Vata. Ainsi, la gestion de la douleur implique une forte composante de considérations anti-Vata. Le stress a également tendance à déséquilibrer en premier lieu Vata.

Une grande partie du soulagement du stress est donc axée sur une approche anti-Vata.

Cependant, les deux autres doshas ont également leurs propres composantes et considérations psychologiques clés. Chaque patient a une énergie psychologique et physique particulière qu'il faut comprendre pour élaborer un plan de traitement efficace.

Les trois gunas sont principalement des facteurs psychologiques : rajas représente les impulsions égocentriques et tamas des blocages émotionnels profonds, de l'insensibilité ou des dépendances. Ces caractéristiques rendent les doshas difficiles à gérer, car elles peuvent entraîner des attitudes qui résistent au traitement, même au niveau externe, comme celui de l'alimentation et des plantes médicinales.

Cependant, les doshas et les gunas doivent toujours être étudiés et traités ensemble. Par exemple, les déséquilibres doshiques profondément enracinés impliquent toujours une certaine mesure de tamas, souvent traduite par des traumatismes, des douleurs ou des faiblesses profondes.

Un bon praticien ayurvédique doit être capable de discriminer les différentes conditions de chaque dosha dans ses modes sattviques, rajasiques et tamasiques.

Cela constitue une bonne base pour aborder une psychologie ayurvédique.

Le karma négatif découle principalement d'un jugement erroné (Prajnaparadha ou Buddhi dosha), qui inclut une mauvaise utilisation des sens, du prana, des émotions et de l'esprit. Cela reflète les effets de distorsions doshiques et guniques à long terme, qui se logent dans la psyché.
Ce jugement erroné commence par rajas, impliquant un facteur de volonté, mais il reflète également tamas avec le temps, indiquant des tendances que la personne ne peut ni percevoir ni modifier.

L'Ayurveda ne consiste pas seulement à éliminer les doshas et à augmenter le sattva guna, mais aussi à éliminer les karmas négatifs et les schémas karmiques (samskaras) qui les soutiennent dans notre propre comportement. L'astrologie védique est un outil important pour comprendre ces karmas.

En considérant la pratique ayurvédique, nous devons donc reconnaître la psychologie des doshas, des gunas et des karmas.
Dans ce système, l'esprit joue le rôle principal, tandis que le corps est simplement l'endroit où ces déséquilibres se logent, se manifestent ou causent des maladies.

 

L'Ayurveda et le conseil Védique

L'Ayurveda, en particulier en Occident aujourd'hui, est principalement un système de médecine basé sur le conseil. Son rôle consiste à éduquer le patient sur la manière de modifier son mode de vie pour prévenir les maladies et optimiser sa santé, ainsi que pour traiter des maladies spécifiques.
Bien que cela puisse se concentrer principalement sur des recommandations en matière de régime alimentaire, d'herbes médicinales et d'exercice physique, cela nécessite une compréhension de la psychologie.

La manière dont nous abordons une personne de type Vata pour calmer son anxiété face aux changements suggérés sera différente de celle utilisée pour une personne de type Kapha et sa complaisance ou pour une personne de type Pitta avec des problèmes de colère latente.
Leur psychologie influence grandement la façon dont les recommandations sont formulées et leur efficacité, même si elles sont appropriées au départ.
En Ayurveda, il ne suffit pas que les praticiens établissent un diagnostic et un plan de traitement corrects, ils doivent également posséder des compétences en conseil pour permettre aux patients de mettre en œuvre ces recommandations efficacement.
L'échec d'un traitement ayurvédique est généralement dû à l'incapacité du praticien à comprendre suffisamment la psychologie du patient pour qu'il adhère à ses recommandations.

Souffrance physique et psychologique

La médecine moderne a été relativement efficace pour soulager de nombreuses maladies aiguës, mais la souffrance émotionnelle a augmenté en raison de divers facteurs de notre vie moderne en désaccord avec la nature.

Les troubles mentaux-psychologiques comme la dépression sont presque devenus une épidémie aujourd'hui. Même les enfants souffrent souvent de troubles tels que le déficit de l'attention (ADD) ou l'hyperactivité. La médecine actuelle basée sur les médicaments développe des médicaments conçus spécialement pour traiter ces conditions, bien que ces puissants médicaments posent également problème en raison de leurs nombreux effets secondaires.
L'Ayurveda peut offrir une bonne alternative à ce traitement de l'esprit et de la psychologie principalement par des médicaments.
Cette psychologie culturellement perturbée exige que les praticiens ayurvédiques disposent des outils psychologiques nécessaires pour la gérer.

En fait, tout patient fortement perturbé par le Vata est susceptible de recevoir une prescription de tels médicaments s'il consulte les médecins habituels aujourd'hui. Le problème est que ces médicaments peuvent seulement supprimer Vata, mais pas le corriger. 

De nombreux patients qui consultent des praticiens ayurvédiques aujourd'hui recherchent un soulagement spirituel ou psychologique. Ils se tournent vers l'Ayurveda en tant que médecine corps-esprit avec une base spirituelle.

Ils s'attendent à ce que le praticien ayurvédique puisse traiter les problèmes émotionnels et spirituels, et pas seulement les aspects physiques. Le rôle de l'Ayurveda en tant que psychologie est donc très important aujourd'hui.

La psychologie ayurvédique et le yoga

Le yoga classique tel que décrit dans les Yoga Sutras de Patanjali et dans la Bhagavad Gita est un moyen de travailler sur l'esprit ou de calmer le chitta, ce qui constitue la base de la suppression de la souffrance.
La thérapie psychologique de l'Ayurveda, visant à augmenter le sattva, est principalement une thérapie basée sur le yoga. Le yoga classique lui-même est essentiellement une psychologie.
Cela signifie que la psychologie ayurvédique doit utiliser les outils et les concepts du yoga.

Certains enseignants de yoga ont tenté de traiter l'application psychologique du yoga et de créer un nouveau modèle psychologique de yoga. Cependant, ils le font généralement en dehors de l'Ayurveda et parfois en dehors de la grande tradition yogique.
Ce travail peut avoir une certaine valeur mais serait plus utile s'il était intégré dans une approche ayurvédique plus large.

La psychologie du yoga nécessite également la psychologie ayurvédique, et aucune des deux n'est susceptible de prospérer ou de se développer correctement sans l'autre.

 

Les niveaux de l'esprit

L'Ayurveda utilise généralement le modèle Samkhya-Vedanta de l'esprit, qui est divisé en quatre instruments internes (antahkarana chatushtya) :
Chitta : conscience conditionnée et champ mental en arrière-plan
Buddhi : jugement intelligent, discernement, valeurs
Manas : esprit, capacité d'imagination, coordination sensorielle
Ahamkara : ego, identité personnelle

Ces termes sanskrits n'ont pas d'équivalents exacts en anglais et présentent des variations dans leur usage.

Dans la terminologie du yoga, chitta est souvent un terme général pour désigner l'esprit dans son ensemble, tandis que manas désigne l'esprit sensoriel.
Dans la terminologie védantique, manas assume plus communément le rôle d'esprit global, et chitta correspond plutôt à une banque de mémoire.

En général, le chitta représente le champ général des perturbations mentales (vrittis ou kleshas en yoga) qu'il est nécessaire d'apaiser ou d'éliminer.
Buddhi est l'intelligence discriminante supérieure que nous devons développer pour éliminer ces perturbations et atteindre une tranquillité d'esprit.
Manas correspond à l'activité mentale et sensorielle extérieure qui maintient ces perturbations en mouvement et doit être contrôlée.
Ahamkara est le facteur de l'ego ou de la volonté personnelle qui maintient ce processus en place.

Cela signifie que calmer le chitta, développer le buddhi, contrôler le manas et réduire l'ahamkara sont des éléments essentiels de toute approche ayurvédique de l'esprit.

L'esprit et le prana

L'Ayurveda et le yoga considèrent l'esprit et le prana comme les deux ailes d'un oiseau. L'esprit est le pouvoir de la connaissance (jnana-shakti), et le prana est le pouvoir de l'action (prana-shakti).
L'esprit est un niveau de conscience plus profond que les pranas extérieurs opérant dans les organes sensoriels et moteurs. Cependant, le prana originel est un niveau de conscience encore plus profond que l'esprit pensant.
C'est dans ce prana plus profond que nous retournons pendant le sommeil profond pour régénérer à la fois le corps et l'esprit.

On ne peut pas traiter l'esprit sans traiter le prana, ce qui nécessite des pratiques yogiques comme le pranayama et le pratyahara.
Et on ne peut pas traiter le prana sans prendre en compte les doshas de Vata, Pitta et Kapha, qui sont principalement des doshas praniques ou des déséquilibres praniques. Cela implique d'ajuster le régime alimentaire, d'ajouter des plantes médicinales utiles et d'utiliser d'autres méthodes de massage et de purification ayurvédiques comme le Pancha Karma.

Le mantra est l'outil principal pour la guérison de l'esprit, bien qu'il ait également un fort impact sur le prana.
L'utilisation conjointe de mantra et de pranayama est une bonne méthode pour atteindre cet objectif. Le mantra est l'outil psychologique ultime qui agit à un niveau subconscient et nous élève vers une conscience supérieure grâce à sa capacité à unifier le champ mental.


L'esprit et le Soi

L'Ayurveda suit une vision Samkhya-Védantique où l'esprit n'est qu'un instrument de la conscience, le vrai Soi, Atman ou Purusha. Cela signifie que l'esprit n'est pas conscient mais qu'il s'agit d'un mécanisme de conditionnement karmique.
Cette perspective diffère de celle de nombreuses autres écoles de pensée, où l'esprit et la conscience sont souvent considérés comme identiques.
En traitant l'esprit, nous devons nous rappeler cette vision védique selon laquelle notre véritable être et conscience transcendent à la fois le corps et l'esprit.

Le but du yoga et de l'Ayurveda n'est pas seulement l'harmonie mentale, mais aussi de conduire l'esprit à une condition paisible afin que la lumière du Soi supérieur puisse traverser l'esprit.

 

Conclusion

Un renouveau de la psychologie ayurvédique est une considération essentielle, voire une tendance majeure, pour le nouvel Ayurveda global.

Que ce soit par l'application de régimes alimentaires, d'herbes médicinales, de massages, du Pancha Karma, de changements de style de vie, de mantras ou de méditation, la composante psychologique de l'Ayurveda est toujours importante et doit être pleinement comprise par l'étudiant sérieux. La psychologie ayurvédique peut également constituer un bon domaine de spécialisation.

 

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David Frawley, traduction Florent Fusier

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